María González Martínez, la biomasse devient une richesse des territoires

María González Martínez, la biomasse devient une richesse des territoires

 

J’ai toujours été attirée par la compréhension du monde qui nous entoure, de la nature, du vivant

Comment transformer la biomasse, souvent considérée comme un déchet, en une ressource au bénéfice de la transition écologique ? C’est la question qui guide María González Martínez depuis le début de son parcours scientifique. Portrait d’une enseignante-chercheuse animée par la valorisation des territoires, la transmission du savoir et l’international.

 

María González Martínez est enseignante-chercheuse à IMT Mines Albi, au centre RAPSODEE (Recherche d'Albi en génie des Procédés des SOlides Divisés, de l'Énergie et de l'Environnement). Un métier qui réunit deux de ses motivations profondes : apprendre en permanence et transmettre son savoir. « J’ai toujours été attirée par la compréhension du monde qui nous entoure, de la nature, du vivant », retrace-t-elle. « Je me suis donc rapidement intéressée aux sciences, notamment à la chimie, car j’étais fascinée par la capacité de transformer une matière en un produit totalement différent. »

 

Confortée dans cette passion par l’enseignement de ses professeurs au collège et au lycée, María González Martínez s’est logiquement tournée vers des études d’ingénieur en génie chimique, à l’université polytechnique de Valence (Espagne). « Mais mon profil n’était pas uniquement scientifique, je m’intéressais également aux matières littéraires, en particulier aux langues », relève-t-elle. Une dualité qui l’a poussée à poser sa candidature pour un double diplôme avec un établissement français, l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR). L’occasion de découvrir un nouveau pays, d’améliorer ses compétences linguistiques, mais aussi d’ajouter une orientation écologique à son cursus d’ingénieure chimiste.

Valoriser la biomasse

 

Alors (double) diplômée, María González Martínez s’interrogeait sur la suite à donner à son parcours professionnel. « J’avais toujours cette curiosité scientifique ancrée en moi », se souvient-elle. « Cependant, je ne me suis pas immédiatement dirigée vers un doctorat, craignant – à tort – que ce cursus ne reste trop éloigné des problématiques concrètes. » C’est pourtant la voie qu’elle a finalement choisie, par l’entremise d’un ami, qui lui a envoyé une offre de recherche appliquée dans un environnement international. Et si la décision lui semblait dès lors évidente, c’était en raison du sujet de la thèse : la valorisation de la biomasse.

 

« Cette problématique me tient à cœur, car je viens d’un petit village rural de Galice – Chandrexa de Queixa –, au nord de l’Espagne », explique María González Martínez. « Il s’agit d’un territoire historiquement agricole, confronté aujourd’hui à une décroissance de sa population. Une tendance qui conduit à un abandon progressif des pâturages, dans lesquels la végétation basse reprend le dessus. Le problème vient du fait que celle-ci brûle facilement l’été, ce qui provoque régulièrement des incendies de grande ampleur… Néanmoins, j’ai toujours été persuadée que cette végétation et ses résidus pouvaient être valorisés et devenir, non plus un handicap, mais un atout pour la région. »

 

Et ce constat s’applique à de nombreux territoires, notamment agricoles, à l’image du Tarn, département au sein duquel se situe IMT Mines Albi. Ces derniers disposent ainsi d’une biomasse potentiellement riche, à partir des résidus de végétaux, des tourteaux d’oléagineux, des déchets ménagers… « Aujourd’hui, ces ressources sont généralement jetées », regrette María González Martínez. « Pourtant, elles pourraient servir à produire de l’énergie, du biocarburant, du gaz… En réalité, la biomasse est une richesse des territoires, qui devrait être beaucoup plus considérée. »

Torréfaction de diverses biomasses

 

Une telle valorisation s’accompagne toutefois d’une grande complexité. En effet, la biomasse se caractérise par son hétérogénéité et les procédés de transformation dépendent de sa nature, de son état, ou encore de l’objectif poursuivi. « Il est indispensable de prendre en compte la constitution de la biomasse et le produit que l’on souhaite obtenir », indique María González Martínez. « Pour passer de l’un à l’autre, il faut alors un procédé physico-chimique. Notre cœur de métier, en génie des procédés, consiste précisément à en déterminer les caractéristiques. »

 

C’est donc à cette problématique que s’est intéressée María González Martínez dans le cadre de sa thèse. Il s’agissait de considérer une vingtaine de biomasses agricoles et forestières – bois, paille, tourteaux de tournesol, épis de maïs, pépins de raisins, etc. – et d’étudier les effets de la torréfaction sur celles-ci. Ce procédé thermochimique, qui consiste à transformer une matière par la chaleur – autour de 300 °C – en l’absence d’oxygène, entraîne la formation de produits solides, liquides et gazeux. Des résultats qui dépendent à la fois de la nature de la biomasse et des paramètres de la torréfaction, tels que sa température ou sa durée.

« L’objectif de mes travaux de recherche était d’établir cette correspondance », déclare l’enseignante-chercheuse. « Autrement dit, pour une biomasse et une torréfaction données, quels produits seront formés, et dans quelles proportions ? Ou, inversement, si je souhaite obtenir une composition particulière en sortie, quel type de biomasse faut-il employer, à quelle température et pendant combien de temps faut-il la torréfier ? »

 

Pour cela, María González Martínez mêlait expérimentations et modélisations, une double approche ayant abouti à des résultats concrets. « Nous avons mis au point des modèles fiables de prédiction du solide torréfié produit lors de la torréfaction de différentes biomasses », révèle-t-elle. « En ce qui concerne les substances volatiles, l’étude s’est en revanche avérée un peu plus complexe. Nous n’avons donc pas fourni de modèles précis sur ce point, mais tout de même des tendances relatives aux matières considérées. » Ces travaux ont été menés sur des composants macromoléculaires extraits, donc véritablement représentatifs de la biomasse réelle, une singularité de cette thèse favorisant l’exploitation des résultats.

 

Utiliser la biomasse pour la production d’hydrogène

 

Après avoir continué à explorer ce sujet en postdoctorat, María González Martínez a postulé pour rejoindre IMT Mines Albi et RAPSODEE, « un centre que j’avais préalablement identifié comme étant celui qui me correspondait le plus ». En l’occurrence, le poste de maître de conférences ouvert portait sur l’hydrogène et sa production. « Je n’avais jusqu’alors jamais travaillé sur cette problématique spécifique », concède l’enseignante-chercheuse. « Mais j’ai pu proposer un projet de recherche mêlant mon expérience et l’objectif fixé : la production de catalyseurs biosourcés pour la transformation thermochimique de la biomasse, afin de produire de l’hydrogène. Et c’est désormais le sujet que j’étudie au quotidien. »

 

En effet, dans la quête d’une énergie plus verte, l’hydrogène représente un enjeu majeur. Mais pour atteindre l’objectif de réduction de l’empreinte carbone, il doit bien sûr être produit de façon écologique. Or, les procédés actuels, tels que l’électrolyse de l’eau ou le reformage de biogaz, requièrent des catalyseurs constitués de métaux rares et coûteux, comme le platine ou le nickel, ou bien reposent sur des ressources fossiles ou sous tension, comme l’eau.

« L’idée de ce projet de recherche est une nouvelle fois de s’appuyer sur la richesse des territoires », annonce María González Martínez. « Car certains sols peuvent être riches en métaux, par exemple en fer, qui est un élément catalytique moins toxique que d’autres métaux, tels que le nickel. Aujourd’hui, ces éléments sont généralement considérés comme des contaminants qu’on cherche à éliminer, par exemple grâce aux plantes et à la phytoremédiation. Ne pourrait-on pas plutôt s’en servir au bénéfice de la production d’hydrogène ? »

 

Afin de répondre à cette question, une première thèse a tout d’abord démontré la possibilité de produire un catalyseur biosourcé à partir de fougères et d’un sol imprégné de nickel et de fer. Cependant, ce matériau n’a pu être testé qu’à des températures « peu élevées » – jusqu’à 500 °C, tout de même. « Certains procédés de transformation thermochimique nécessitent d’atteindre une température de 1 000 °C », note l’enseignante-chercheuse. « Or, à ces températures, le risque est de voir le matériau se dégrader, ce qui est rédhibitoire dans le cadre d’une telle réaction chimique. » Par conséquent, une nouvelle thèse sera entamée en septembre prochain, avec l’objectif de stabiliser le catalyseur biosourcé, afin qu’il puisse être employé dans des procédés de reformage de biogaz.

 

Le partage, clé de voûte du métier d’enseignant-chercheur

 

Au-delà de la problématique commune qu’ils adressent, autour de la valorisation de la biomasse, tous ces travaux de recherche se rejoignent par leur aspect collaboratif. « Nous travaillons en permanence avec d’autres laboratoires, y compris à l’international, notamment grâce aux projets soutenus par le Carnot M.I.N.E.S et son groupe de recherche H2MINES, l’Agence Nationale de la Recherche ou la Commission européenne », souligne María González Martínez. « Cette approche nous permet de rester toujours à la pointe de la connaissance scientifique et d’avancer plus vite, en partageant nos résultats avec des chercheurs du monde entier. »

 

Cette volonté de partage se traduit également au quotidien, à travers la transmission aux étudiants, un aspect fondamental de la fonction d’enseignant-chercheur pour María González Martínez. « Notre métier consiste à apprendre en continu et à créer de la connaissance, mais il est indispensable de la transmettre aux autres », insiste-t-elle. À plus forte raison sur des sujets tels que la valorisation des déchets, la production d’énergie décarbonée, ou encore le respect de la nature. Autant d’enjeux cruciaux pour lesquels la biomasse peut jouer un rôle déterminant.

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Article par : Bastien Contreras

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