Électrifier des usages énergivores peut jouer un rôle clé pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction des émissions de GES. Mais cela implique de mener des réflexions sur les difficultés à venir face à cette transition massive vers l’électrification et, en particulier, la question des aléas naturels.
L'électrification des usages, tels que les transports, le chauffage, la climatisation, ou certains procédés industriels, est devenue un sujet d'une importance cruciale à l'heure où la communauté mondiale doit impérativement mener des actions pour atténuer les effets du changement climatique, en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre (GES).
Cette électrification implique le déploiement massif de sources d’électricité bas-carbone, notamment issues d’énergie renouvelable, tout en étant aussi durable que possible et en minimisant les impacts sur la santé humaine et environnementale.
L'analyse du cycle de vie (ACV) s’est imposée comme un outil d'aide à la décision permettant d'estimer de manière exhaustive les impacts environnementaux potentiels de ces infrastructures énergétiques. En revanche, la méthode d'ACV, utilisée conventionnellement, ignore certaines sources de déviations et de dommages possibles pour ces systèmes de production d'énergie. Les accidents dits NATECH, c’est-à-dire des accidents technologiques provoqués par un événement naturel (séisme, inondation, foudre, feu de forêt, vent, neige et verglas, température extrême, avalanche, mouvement de terrain…), entraînent ces dommages. Bien que rares par définition, leur probabilité augmente avec le changement climatique.
Il devient donc primordial d’intégrer la prise en compte du risque NATECH dans la méthode d’ACV accessible aux structures chargées de décider de l’implantation des systèmes de production d’énergie renouvelable et de les opérer.
C’est ce défi que cherche à relever Alejandra Cue Gonzalez, post-doctorante au Centre OIE (Observations, Impacts, Energie, de Mines Paris – PSL) dans le cadre du projet phare ELECTRE* du Carnot M.I.N.E.S. Cette ingénieure de formation vient de soutenir récemment une thèse, réalisée en collaboration entre OIE et le CRC (Centre de recherche sur les Risques et les Crises de Mines Paris), dans laquelle elle a démontré la faisabilité d’une approche méthodologique d’ACV intégrant la prise en compte des risques de catastrophe pour l’implantation et le suivi en opération de parcs de productions photovoltaïques (PV).
Dans le cadre d’ELECTRE, Alejandra Cue Gonzalez tentera, toujours en collaboration avec Eric Rigaud, chargé de recherche au CRC, et le groupe ACV du centre OIE, d’éprouver la pertinence de sa méthodologie en la confrontant à des données réelles d’exploitation de sites PV.
« Il s’agit d’un problème complexe à traiter. Afin de rendre la méthodologie exploitable par les parties concernées, il faut d’une part complexifier les aléas que nous prenons en considération, ce qui implique des analyses territorialisées plus exhaustives. Mais, il faut également questionner la notion de résilience à long terme : avec par exemple une durée de vie de 30 ans pour une installation de production d’énergie photovoltaïque, il est nécessaire d’intégrer une évolution de la survenue des aléas dans le temps », précise Alejandra Cue Gonzalez.
C’est tout le sens de la collaboration avec Eric Rigaud, spécialiste de la résilience face aux risques : de cette manière, le système énergétique se trouve au centre de l’analyse et la méthodologie permet d’explorer des scenarios d’aléas impactant le rendement de celui. Ainsi les opérateurs pourront prendre de des décisions afin de minimiser l’impact économique et environnemental d’un accident NATECH.
L’ambition de la jeune chercheuse ne se limite pas à la seule filière PV. Cette méthodologie prospective se veut, à terme, générique, c’est-à-dire adaptable à toute filière de production d’énergie renouvelable (éolien, biomasse, etc.), mais pas uniquement : la filière nucléaire apparait également comment pouvant bénéficier fortement d’un tel outil.
* Le projet phare ELECTRE réunit 12 de centres de recherche issus de 6 Ecoles du Carnot M.I.N.E.S. ELECTRE ambitionne, par des recherches pluridisciplinaires, de contribuer à s’affranchir des énergies fossiles, utilisées aujourd’hui massivement dans de nombreux usages (mobilités, chauffage/froid, procédés industriels.
Il est coordonné par Philippe Blanc, professeur au Centre OIE de Mines Paris – PSL. Doté d’un budget de 1,4M€, le projet mobilise notamment 7 doctorants et 6 post-doctorants, sur la période 2023-2026.