Christelle Combeaud, une chercheuse au cœur de la matière

Sur le campus de Sophia-Antipolis, cette scientifique des Mines Paris-PSL étudie des matériaux solides ou semi-solides sous toutes les coutures. Objectif : produire des emballages imperméables ou des verres correcteurs ultraperfectionnés.

 

Elle « torture la matière », pour mieux la comprendre. Christelle Combeaud, maître de recherche au CEMEF (Centre de Mise en Forme des Matériaux) à Sophia Antipolis, utilise et conçoit avec d’autres membres du laboratoire des dispositifs uniques au monde munis de capteurs ultrasensibles capables d’étirer, déformer ou encore chauffer du plastique afin d’en analyser le comportement.

 

« Comme de la pâte à modeler »

 

Formée à l’INSA de Strasbourg, elle se destinait au départ au métier d’ingénieure plasturgiste. Convaincue lors d’un stage de sa vocation de chercheuse, elle débute une thèse en 2001 à Sophia-Antipolis qu’elle soutient trois ans plus tard. Elle s’intéresse dans ce travail « très expérimental » à la mise en forme par extrusion de polymères fondus (procédé consistant à faire passer la matière en continu dans un contenant ou « filière »), un peu comme de la « pâte à modeler », explique-t-elle.

Elle apprécie en particulier certains aspects de son travail : « beaucoup d'observation, beaucoup de terrain, beaucoup d'expérimental, même si dans ma thèse, j'ai fini par faire 20 % de modélisation numérique. »

 

Par la suite, Christelle Combeaud se penche sur « des états un peu plus solides de la matière » au cours de post-doctorats à partir de 2005. Avec Essilor, elle étudie des « couches minces », diverses strates de matériaux destinés à être apposés sur des verres correcteurs. Elle affine ensuite ces recherches grâce à des outils à l’échelle nanométrique. Pour son troisième post-doctorat, elle coopère avec l’université de Belfast, l’institut Clément-Ader d’Albi et Sidel Group pour des expérimentations sur le soufflage de bouteilles en PET. 

 

Ses collaborations avec des équipes de physiciens la conduisent à aborder davantage « l’organisation microstructurale d’un polymère ». Ce qu’elle apprécie le plus ? « Coupler physique et mécanique afin de comprendre comment la matière est organisée et ce qui fait que les propriétés du matériau pourront répondre aux cahiers des charges » des industriels.

 

Des machines sur mesure pour « faire parler la matière »

 

A partir de 2011, elle occupe au CEMEF une double fonction : enseignante chercheuse dans le groupe « Mécanique Physique des polymères Industriels (MPI) » d’une part et responsable d’une équipe support baptisée « Mesures, Etudes, Atelier (MEA)» d’une autre. Avec ses collaborateurs, elle crée des équipements spécifiques, « des appareillages que l’on ne trouve pas dans le commerce », précise l’enseignante-chercheuse.

Objectif : parvenir « à torturer la matière, la faire parler, la solliciter dans les conditions contrôlées de température, pression, vitesse ; avec des capteurs adaptés » Ces bancs ultraperfectionnés sont parfois loués à d’autres laboratoires, l’occasion pour la scientifique qui réalise désormais davantage de missions d’encadrement de retrouver un contact plus direct avec l’expérimentation. « C’est agréable de revenir un peu plus sur le terrain pour réaliser des essais originaux », confie-t-elle.

 

Les nouvelles problématiques du recyclé

 

Désormais, c’est en tant que maître de recherche qu’elle explore les différents états des matériaux. En octobre 2022, Christelle Combeaud a soutenu une Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) à l’université de Nice Côte d’Azur. Elle supervise depuis 5 travaux : trois thèses et deux post-doctorats, des projets tournés vers un thème d’avenir : les matériaux recyclés. Il s’agit par exemple d’évaluer la présence de contaminants dans des bouteilles contenant du plastique recyclé, et, plus largement, les effets de recyclages multiples. Principal risque en ligne de mire : la formation de chaînes de polymères indésirables, un ennemi baptisé « NIAS » en anglais pour « non intentionnally added substances » (substances ajoutées non intentionnellement, pouvant s’avérer nocives pour la santé).

 

« Pour l’instant ce sont les premières générations d’emballages produits à partir de PET recyclé qui sont sur le marché. Il faut s’interroger sur ce qui se passera quand nous en serons à la 10e génération et qu’elle contiendra non pas 20 % ou 30 % de substances recyclées mais 100 % », fait valoir la scientifique. En outre, pointe-t-elle, ces problématiques contribuent à « soulever des questions que l’on ne se posait pas dans les années 1980 », lorsque les emballages plastiques se sont largement diffusés dans l’alimentaire. « Il y aura un match entre chimistes et mécaniciens pour relever ces défis », conclut-elle.

 



 

Sa carrière en 5 dates

 

2004 : soutenance de thèse

2005-2010: elle réalise trois post-doctorats portant sur l’étude du comportement mécanique des  polymères

2011-2021: Ingénieure de recherche à Sophia-Antipolis, elle est enseignante-chercheuse et anime un groupe

octobre 2022: Elle obtient son habilitation à diriger des recherches

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