Le concept de jumeau numérique, né de l’ingénierie aéronautique pour concevoir et simuler des modèles complexes, révolutionne aujourd’hui le domaine médical. Le séminaire Santé Numérique de l’Institut des Transformations Numériques (ITN) de Mines Paris – PSL, qui s’est tenu le 19 septembre 2024 sur le campus parisien de l’École, a réuni des experts pour explorer les avancées numériques en santé et définir des priorités stratégiques. En recréant des représentations numériques précises et personnalisées du corps humain, le jumeau numérique offre aux professionnels de santé un moyen inédit de comprendre, diagnostiquer et traiter des pathologies complexes.
Le projet CURE, mené par Elie Hachem, directeur du Centre de Mise en Forme des Matériaux (CEMEF) et Professeur à Mines Paris – PSL, incarne cette avancée. Grâce à un financement de son ERC « Consolidator », il se consacre à la création de jumeaux numériques pour évaluer les risques de rupture des anévrismes intracrâniens et guider les décisions médicales. Ce projet, à la croisée de la mécanique des fluides et de l’IA, montre comment le numérique et la simulation peuvent répondre aux enjeux vitaux de la médecine de demain.
Conçu dans les années 2000 pour la conception de l’avion Boeing 777, le jumeau numérique est devenu une référence en matière de simulation et d’analyse de systèmes complexes. Il s’impose aujourd’hui dans le secteur médical comme un outil précieux, permettant de reproduire des environnements physiologiques spécifiques aux patients. En modélisant de manière précise et dynamique des parties du corps humain, cette technologie permet aux médecins de mieux comprendre certaines pathologies et d’évaluer les risques et traitements potentiels.
Le projet CURE (Controlling Unruptured Intracranial Aneurysms), mené par Elie Hachem, est un exemple marquant de cette révolution en santé numérique. Lauréat d’un prestigieux financement ERC « Consolidator », CURE ambitionne de prévenir les ruptures d’anévrismes cérébraux grâce à une combinaison unique de simulation de l’écoulement sanguin et de machine learning.
Les anévrismes intracrâniens (AI) constituent une dilatation anormale de la paroi des artères cérébrales. En Europe, environ 3 % de la population adulte est affectée par cette pathologie, souvent détectée par hasard lors d’examens médicaux. La rupture d’un anévrisme entraîne chaque année le décès de 500 000 personnes dans le monde, dont une grande majorité est âgée de moins de 50 ans. Les médecins sont confrontés à une décision complexe lorsqu’ils identifient un anévrisme : opérer de manière préventive ou opter pour une surveillance régulière. Cette décision, cruciale pour la vie du patient, repose sur l’évaluation des risques, un domaine où le jumeau numérique s’avère être un allié de taille.
Le projet CURE utilise des simulations numériques haute-fidélité pour modéliser le flux sanguin à l’intérieur d’un anévrisme spécifique à chaque patient, créant ainsi un jumeau numérique de la pathologie. En effet, grâce aux données fournies par l’Institut de neurologie diagnostique et interventionnelle de l’Université Ludwig-Maximilian de Munich, et le CHU de Nice, le projet associe des simulations de mécanique des fluides à de l’IA pour prédire le risque de rupture de chaque anévrisme. En cas de décision d’intervention, le jumeau numérique permet également de définir la nature optimale de la chirurgie à réaliser.
Cette modélisation dynamique s’appuie sur une série de données biomédicales anonymisées et ouvre de nouvelles perspectives pour la médecine personnalisée. « Nos méthodes de simulation permettent de fournir aux médecins des éléments précis de risque et d’évaluer le caractère nécessaire de l’intervention », explique Elie Hachem. À terme, le projet vise à transformer la prise en charge des anévrismes en un processus plus sûr et adapté à chaque patient en temps quasi réel.
Avec une bourse ERC « Consolidator » d’environ deux millions d’euros, Elie Hachem a pu former une équipe de recherche multidisciplinaire regroupant experts en calcul intensif, spécialistes de la mécanique des fluides et professionnels de santé, pour développer cette innovation. Ce financement stratégique est un jalon important dans l’expansion des applications médicales du jumeau numérique et confirme la position de l’Institut des Transformations Numériques (ITN) de Mines Paris – PSL en tant que leader en innovation technologique pour la santé.
En combinant calcul intensif et IA, CURE représente une avancée significative vers un traitement personnalisé des anévrismes intracrâniens, illustrant la capacité de l’ITN à déployer des technologies de pointe au service de la santé.
Créé en mars 2024, l’ITN de Mines Paris – PSL se positionne comme un acteur central de la transition numérique, mobilisant les expertises de ses 18 centres de recherche. Avec des axes stratégiques comme la santé numérique, l’ingénierie numérique et les industries culturelles, l’ITN fédère les connaissances pour relever les défis économiques, sociaux et technologiques de notre époque. Porté par une approche responsable et collaborative, il vise à accélérer l’innovation et à guider les acteurs publics et privés dans cette transformation.
Le séminaire Santé Numérique a rassemblé chercheurs, industriels et décideurs autour des grands enjeux de la digitalisation des soins. Dans un monde où les avancées technologiques redéfinissent les pratiques médicales, la santé numérique s’impose comme un levier pour répondre aux défis actuels et futurs du système de soins. L’ITN explore ces transformations à travers différentes thématiques : la réinvention des infrastructures hospitalières, le développement des jumeaux numériques pour une médecine de précision et l’intégration de l’intelligence artificielle à toutes les échelles de la santé. Ces enjeux ne se limitent pas à l’innovation technologique, ils interrogent également les dimensions sociales, économiques et éthiques d’une médecine connectée et intelligente, ouvrant la voie à des soins plus personnalisés, accessibles et prédictifs.
Source : Mines Paris - PSL