L’hydrogène est un vecteur d’énergie extrêmement prometteur. La condition est de le produire à un coût raisonnable et dans des conditions écologiques acceptables.
L’entreprise américaine Monolith Materials a fait un grand pas en ce sens grâce notamment, aux recherches menées par le centre Procédés, Energies Renouvelables et Systèmes Energétiques (PERSEE), l’un des centres de recherche de Mines Paris - PSL.
Leur technologie : craquer la molécule de méthane (CH4) à très haute température. Ce qui permet de produire de l’hydrogène et du noir de carbone.
« Étonnamment, dans le contexte économique actuel, c’est le noir de carbone qui est le produit principal recherché. L’hydrogène n’est « que » le co-produit, indique Laurent Fulcheri, enseignant-chercheur à PERSEE. Le noir de carbone est très utilisé dans l’industrie, notamment celle des pneumatiques, mais sa production est aujourd’hui très polluante. C’est un marché de près de 15 milliards de dollars par an. Nous avons mis au point une technologie de rupture, aboutissement de plus de 25 ans de recherches à PERSEE avec différents partenaires académiques et industriels. »
Le méthane est injecté dans un plasma d’hydrogène (du gaz hydrogène porté à 4 000 – 5000°C, très ionisé). Il se décompose en gaz hydrogène et noir de carbone. Cette production d’hydrogène n’émet aucun CO2 directement. Et ce contrairement au vapo-reformage qui produit, en moyenne, 10 tonnes de CO2 pour chaque tonne d’hydrogène.
Cette méthode est également moins énergivore que l’électrolyse de l’eau. En effet, elle nécessite six fois moins d’électricité pour une même quantité d’hydrogène produit.
Monolith Materials est arrivé au bon moment, lorsque la R&D était suffisamment avancée pour passer au stade pilote. Seule une entreprise peut en effet porter le projet d’un pilote industriel de plusieurs millions de dollars.
Un premier pilote a vu le jour à Mountain View en Californie au cœur de la Silicon Valley entre 2013 et 2018, pour lequel le laboratoire PERSEE est intervenu dans la conception. En 2018, Monolith Materials a jugé les résultats suffisamment prometteurs pour passer à l’étape industrielle. La première unité commerciale, baptisée Olive Creek One est en cours de construction dans le Nebraska, d’autres unités sont déjà dans les cartons.
L’équipe de Laurent Fulcheri continue de travailler d’arrache-pied en collaboration exclusive avec Monolith Materials pour optimiser la technologie. Avec deux axes principaux : optimiser les rendements énergétiques et contrôler encore plus finement les nanostructures de noir de carbone.
« C’est un produit de haute technologie, avec des propriétés très différentes selon la taille, la morphologie, la chimie de surface, l’organisation cristalline… Un pneu moderne contient environ 20 grades différents de noir de carbone. Aujourd’hui, nous sommes capables de produire une partie des grades commerciaux. Nos recherches visent à produire l’ensemble de la gamme. »
Ce nouveau procédé de craquage du méthane est déjà intéressant dans les conditions économiques actuelles pour la production de noirs de carbone. Il pourrait demain constituer une incroyable percée industrielle dans le domaine de la production d’hydrogène décarboné.