Recycler les masques usagés : le défi relevé par les laboratoires de recherche du Carnot M.I.N.E.S

Laurence Le Coq, directrice de la recherche et de l'innovation d'IMT Atlantique

 

Depuis février 2020, le Département Systèmes Énergétiques et Environnement (UMR CNRS GEPEA) d’IMT Atlantique participe à un groupe de recherche sur le recyclage et la réutilisation des masques usagés. Laurence le Coq, directrice de la recherche et de l’innovation d’IMT Atlantique présente les travaux menés par les équipes et les résultats obtenus.

 

Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, marqué par une pénurie de masques, la communauté scientifique a mené des travaux pour répondre à la question suivante : la réutilisation des masques chirurgicaux et FFP2 classés « à usage unique » est-elle possible ?

 

Pour cela, un consortium national(1) réunissant une vingtaine d’équipes aux compétences complémentaires, a testé diverses solutions. Sur le campus nantais, IMT Atlantique a utilisé ses bancs de tests pour évaluer les performances de protection des masques recyclés.

 

 

Stérilisation, irradiation, lavage...

 

« L’étude du maintien des performances de filtration et de respirabilité des masques pour un à plusieurs cycles de décontamination » a été le point de départ des travaux du laboratoire GEPEA d’IMT Atlantique, explique Laurence Le Coq.

 

Deux problématiques ont été soulevées : d’une part, concernant la durée d’utilisation des masques au-delà des durées préconisées, et d’une autre, comment résistent-ils au traitement visant à rendre les microorganismes inactifs ? Le challenge consiste en effet à « éliminer la charge microbienne des masques après une première utilisation tout en garantissant le maintien de leur niveau de performance », précise la chercheuse.

 

Les réponses diffèrent en fonction du type de masque et des conditions d’utilisation. Pour un masque chirurgical, un simple lavage à 60°C suffit pour un usage quotidien non médical. En revanche, pour les masques FFP le lavage ne se révèle pas adapté au maintien des performances de protection. Dans ce cas, il convient d’utiliser des techniques de stérilisation : un traitement par la chaleur humide sous pression en autoclave, une exposition à l'oxyde d'éthylène ou l'irradiation par des rayonnements gamma ou bêta. Reste la difficulté réglementaire de mise en œuvre, ces masques étant soumis à la classification « dispositifs à usage unique ». Leur réutilisation peut s’appuyer sur l’avis de l’ANSES qui a proposé un référentiel d’exigences pour les procédés visant à la réutilisation des masques prévus pour un usage unique (hors secteurs de soins et médico-social).

 

En mai 2020, le consortium était déjà à même d’annoncer ses premiers résultats : les masques chirurgicaux conservent leur performance sur a minima 5 cycles de lavage à 60°C et répondent favorablement aux techniques de décontamination par oxyde d'éthylène, UVC, rayons gamma.

 

Ils peuvent donc être désinfectés par le grand public et réutilisés cinq fois. Ce qui n’est pas le cas des masques FFP2 qui gardent bien leurs performances après le traitement aux rayons gamma, au CO2 supercritique, en UVC mais ne répondent plus aux normes d’efficacité après un lavage.

 

Autre membre du Carnot M.I.N.E.S, MINES Saint-Etienne a rejoint le consortium. En effet, depuis avril 2020, le Centre Ingénierie et Santé, en partenariat avec l’Université Jean-Monnet a été accrédité pour certifier l’efficacité de filtration bactérienne des masques chirurgicaux par l’Agence Nationale du Médicament et des Produits de Santé (ANSM).

 

 

Des partenariats fructueux

 

Depuis mars 2021, un nouveau projet réunit les laboratoires d’IMT Atlantique et de Mines Saint-Étienne(2), : un post-doctorat d’un an(3) intitulé « comparaison des performances de respirabilité et d’efficacité de capture d’aérosols inertes et de bioaérosols par des masques chirurgicaux et en textile ». Une étude qui permettra de répondre à la question : « est-il possible de substituer à performances égales des masques chirurgicaux à usage unique par des masques en textiles réutilisables plusieurs dizaines de fois. »

 

Des partenaires industriels ont aussi rejoint le consortium : l’entreprise française d’ingénierie industrielle Ingénica a ainsi mis au point un appareil, le Steromask, de désinfection par UV. Grâce à cet appareil, les masques voient leur durée de vie prolongée. Un FFP2 peut ainsi passer quatre fois dans le dispositif Steromask et donc être utilisable pendant une durée totale de 16 heures. Pour un masque chirurgical, environ 10 cycles de désinfection sont envisageables, soit 40 heures d’utilisation.

 

 

Aider la filière française

 

Aujourd’hui, les laboratoires de recherche d’IMT Atlantique et de Mines Saint-Étienne mettent à profit leurs connaissances et leurs travaux sur les masques chirurgicaux et FFP2 afin de formuler des préconisations à la filière française de production de masques.  Le but : accompagner la filière française de production à améliorer la performance de filtration de leurs masques uns1 et uns2 (usage non sanitaire). C’est notamment l’objet des travaux qui seront menés dans le cadre du post-doctorat.

 

Le Département Systèmes Énergétiques et Environnement (DSEE) d’IMT Atlantique pourrait également étendre ses expérimentations au-delà de la question des équipements de protection individuelle que sont les masques. Mettre en place des dispositifs de traitement collectif de l’air, étudier les réseaux de ventilation des bâtiments, la qualité de l’air dans les bâtiments, les espaces collectifs : telles sont les ambitions et perspectives de recherche des laboratoires d’IMT Atlantique avec ses partenaires industriels.

 

Un sujet à suivre au-delà de la crise sanitaire…

 

  1. En savoir plus sur le consortium national sur les masques et ses participants : https://lejournal.cnrs.fr/articles/masques-de-protection-la-piste-prometteuse-du-recyclage
  2. Les chercheurs impliqués : IMT Atlantique - Aurélie Joubert, Ala Bouhanguel et Yves Andres ;
    Mines Saint-Étienne - Lara Leclerc et Jérémie Pourchez en partenariat avec Paul Verhoeven de l’Université Jean Monnet ;
  3. La post-doctorante est Henrietta Whyte.

Travaillons ensemble

Newsletter
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux